Qu'est-ce qui provoque la détérioration des rives?
28 novembre 2022
L’érosion des berges le long de la voie maritime du fleuve Saint-Laurent est multifactorielle et ne date pas d’hier. Le déboisement des rives, d’autres interventions humaines, les effets gel-dégel ou encore les puissantes vagues provoquées par les gros navires (surtout à Saint-François) peuvent aussi avoir un impact non négligeable. Ce n’est pas pour rien que des centaines de kilomètres de berges ont été bétonnées ou enrochées au milieu du siècle dernier. Ces aménagements vieillissants et les rives naturelles existantes risquent cependant d’être encore plus vulnérables dans le futur en raison des changements climatiques, à l’île d’Orléans comme ailleurs dans le tronçon fluvial, estiment plusieurs scientifiques. Voici pourquoi.
La tempête et les marées
« Les marées, surtout dans la région de Québec et dans l’estuaire, peuvent accentuer les phénomènes d’érosion là où il existe des barrières humaines ou naturelles empêchant une recharge des sédiments. Toutefois, l’érosion est principalement causée par les ondes de tempêtes. Sur le tronçon fluvial, les ondes de tempêtes sont principalement ressenties près de l’île d’Orléans », peut-on lire dans une étude produite par Ouranos en 2020. Rappelons qu’une pointe de vent de 126 km/h avait été enregistrée à Saint-François en 2017. Il est difficile, par contre, d’établir un lien direct avec les changements climatiques puisque les modèles globaux sont peu adaptés au niveau local, nuance Jean-François Bernier, chercheur au Département de géographie de l’Université Laval. « Des tempêtes, il faut faire attention, on n’en a pas tant que ça à Québec non plus et il faut que ça soit une tempête parfaite avec un haut niveau d’eau. Lorsque la marée est basse, il n’y a pas tant de conséquences. » En revanche, les changements climatiques ajoutent une grande part d’incertitude et sont perçus comme un facteur aggravant. « Il peut y avoir plus d’événements extrêmes que dans le passé. C’est ça le problème. On a besoin de mieux aménager notre territoire en fonction de cette incertitude », ajoute son collègue Patrick Lajeunesse.
Le couvert de glaces diminue
Depuis 1998, l’étendue de glace de berge sur la côte est canadienne (provinces maritimes et golfe du Saint-Laurent à partir de Québec) a décru de 1,53 % par année. À l’île d’Orléans, ils sont nombreux à avoir observé une réduction du couvert de glaces dans les dernières décennies. Or, ces glaces sont généralement reconnues pour leur « rôle protecteur » des berges à l’hiver et au printemps puisqu’elles atténuent l’onde de marée et les vagues. Si le couvert de glaces n’est pas suffisamment épais, l’érosion s’accentue. « La glace va disparaître d’ici la fin du siècle, c’est à peu près certain. On parle d’une réduction de 95 % par rapport à aujourd’hui. C’est un bouleversement assez important. C’est assez lointain, mais c’est quelque chose qui a déjà commencé », avance Gabriel Rondeau-Genesse du consortium Ouranos. Le rôle protecteur des glaces fait toutefois débat dans la communauté scientifique et leur « rôle érosif » est sous-étudié dans le tronçon fluvial, selon Jean-François Bernier, du Département de géographie de l’Université Laval. Si les glaces devaient complètement disparaître d’ici l’an 2100, ce serait « quasiment une source d’érosion de moins, opine-t-il. Il faut prendre ça en compte également. »
Hausse du niveau de la mer
Le changement n’est peut-être pas encore perceptible à l’œil nu, dans le fleuve Saint-Laurent, mais le niveau de l’eau est bel et bien en hausse. Depuis 1993, selon des outils fiables de mesure de Pêches et Océans Canada, le niveau a augmenté de près de 2 mm/an dans le secteur de l’île d’Orléans, soit environ 5 centimètres durant cette période. « Le rehaussement marin est indéniable », observe Gabriel Rondeau-Genesse, chercheur pour Ouranos, un consortium sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques. « On ne connaît pas exactement la valeur finale, mais en fin de siècle, ça pourrait atteindre 50 à 60 cm, avec des [scénarios] plus catastrophes de 1 mètre et plus selon l’évolution de l’Antarctique. C’est clair que ça va avoir un impact sur l’érosion des berges et la submersion. » Certaines régions du Québec, dont la région de Québec, sont toutefois encore en train de se soulever dû à la dernière glaciation – ce qu’on appelle l’ajustement isostatique –, ce qui vient contrebalancer en partie l’impact du rehaussement marin.